Depuis longtemps, le col de Vence est un endroit très connu des amateurs d'ovnis. Sa réputation vient des nombreux témoignages faisant état d'apparitions aériennes insolites. Une forte médiatisation aidant, ce lieu s'est peu à peu transformé en véritable lieu de pèlerinage pour beaucoup de gens, parfois sérieux, parfois beaucoup moins. En réalité les phénomènes insolites sont assez rares et de nombreuses histoires d'ovnis ne sont que des méprises avec des phénomènes tout à fait naturels. C'est ce qui arrive lorsque des personnes trop enthousiastes à l'idée de voir des ovnis, se précipitent vers les médias pour raconter leurs folles expériences. Si bien qu'aujourd'hui il est difficile de séparer le bon grain de l'ivraie tant les témoignages et affirmations sont nombreuses.

Nous sommes en septembre 2007 et il se livre depuis quelques semaines un véritable matraquage médiatique sur l'apparition d'une trace mystérieuse prés du village de Coursegoules. Nous avons été les premiers à nous rendre sur place et nous avons débuté notre petite enquête discrètement. Entre temps, l'histoire a été connue et plusieurs personnes se sont précipitées pour s'emparer de l'affaire. Cette empressement et ce manque d'esprit critique ont malheureusement eu pour conséquence des informations très loin de la réalité.

Notre équipe n'a pas la prétention de pourfendre les contres-vérités des témoignages au col de Vence. Nous n'avons ni le temps ni les moyens pour approfondir tous les cas. Nous nous sommes plusieurs fois trompés, nous nous trompons encore et même si nous sommes prudents, nous continuerons à faire des erreurs. Le but n'est donc pas de critiquer les erreurs d'interprétation, mais bien d'informer les gens lorsqu'une méprise a lieu. Mais revenons plutôt sur la chronologie des événements au sujet de cette trace.

Mardi 14 août, Jean-Marie M., une personne que nous connaissons bien et qui fréquente assidûment le col de Vence, nous appelle pour nous dire qu'il vient de trouver une trace étrange, lors d'une ballade avec une amie. Nous nous rendons sur place 4 jours plus tard, le samedi 18. La trace se trouve dans un champ à 3 kilomètres de Coursegoules environ, sur la droite de la route venant de Vence.

L'endroit en contrebas de la route n'est pas très visible, il y a peu de passage de randonneurs dans cette zone. Nous prenons les mesures précises avec un mètre, le diamètre, l'épaisseur du tracé, etc..

Le champ n'est pas cultivé. De l'herbe (essentiellement des graminées) poussent jusqu'à une hauteur de 60 centimètres maximum. Le cercle est clairement visible car à l'endroit du tracé du cercle, il n'y a plus l'herbe et seule reste de la terre battue. L'intérieur du cercle est identique au reste du champ, l'herbe ne semble pas avoir été touchée. Il n'y a pas de route qui mène directement à la trace, il y a un petit sentier pentu à l'ouest (venant de la route) et un autre venant de l'est. Ces sentiers ne semblent pas praticables avec des véhicules motorisés conventionnels type voiture. Rien d'autre d'anormal n'est à signaler en dehors du tracé du cercle.

En regardant de plus près le cercle:

Nous constatons qu'il n'y a plus de végétation au niveau de la trace. La terre est mélangée avec de petites brindilles d'herbes comme s'il y avait eu une action mécanique. Cela nous a fait d'abord penser au passage répété d'un engin de type agricole. Mais il n'y a pas d'herbe coupée comme ce pourrait être le cas avec un engin de taille. De plus, l'hypothèse de l'agriculteur qui fait un rond dans son champ, ne paraissait pas logique.

L'épaisseur de la trace fait 45 centimètres (plus ou moins 5 centimètres). Elle est très régulière, le sol est érodé uniformément. Le cercle n'est pas exactement un cercle mais un léger ovale, il fait environ 27,5 mètres pour son plus petit diamètre et 29,50 mètres pour son plus grand diamètre. Notre première impression est qu'il s'agissait d'un tracé fait artificiellement par le propriétaire. Nous avons tout de même pris quelques échantillons de terres et d'herbes à différents endroits.

Rapidement, nous avons appelé diverses personnes pour obtenir le maximum de renseignements. D'après JMM, 4 personnes passant par là le 14 août lui auraient affirmé qu'ils seraient passés en avril de la même année à cet endroit. Il n'y avait pas de cercle à ce moment là.

La trace serait donc apparue entre avril et mi-août.

Peu de temps après notre première observation de la trace, PO, un copain de l'équipe nous dit qu'il a eu une journée découverte de vols en hélicoptères autour de Coursegoules. Quel rapport me direz-vous ? Les hélicoptères ont atterri près de Coursegoules pour déposer les touristes. Or, les hélicoptères ont atterri dans des champs aux alentours du village. Ces champs auraient pu nécessiter des aménagements pour faciliter le repérage de la zone d'atterrissage. On pensait tenir les coupables de cette trace…

Grâce à un copain de l'équipe, appelons-le « Peter », nous avons pu en savoir plus. Coup de chance, Peter connaît bien un des pilotes d'hélicoptère qui a participé à ces baptêmes ! Le pilote nous dit que le champ que nous avons trouvé ne correspond pas à un de ces marquages. Les baptêmes se sont déroulés le 15 août et les hélicoptères ont atterri dans un champ à proximité de la mairie de Coursegoules. Notre hypothèse de la trace pour les hélicoptères tombe à l'eau. En revanche, le pilote nous dit qu'il a parfaitement repéré cette trace lors du survol de la zone. Certains touristes à bord de l'hélicoptère ont d'ailleurs été étonnés de voir cette trace.

Nous repartons sur de nouvelles bases. Nous voulons retrouver le propriétaire du champ.

Les terrains dans ce secteur sont pour la plupart privés. Notre très actif Peter contacte le service d'urbanisme qui s'occupe des terrains de cette zone. Son interlocutrice qu'il a eu le plaisir d'avoir plusieurs fois au téléphone lui transmet les coordonnées du propriétaire qui figure sur le cadastre. Il en profite pour lui expliquer le motif de son enquête. Elle lui affirme alors connaître l'origine de cette trace ! Elle nous dit qu'il s'agit d'un manège à cheval. Nous verrons plus loin de quoi il s'agit.

Peter contacte tout de même le propriétaire du champ. Le propriétaire lui-même n'étant pas souvent chez lui, il s'entretient plusieurs fois avec sa compagne. Après lui avoir expliqué la situation, cette charmante dame est elle aussi formelle: il s'agit d'un manège à cheval. Elle ne connaît pas la personne qui a fait tourner le cheval mais nous dit que possédant beaucoup de terres dans le secteur, n'importe qui peut venir entraîner son cheval sur leur terrain sans qu'elle ou son mari ne le sachent.

Nous souhaitons une confirmation de son mari et quelques semaines plus tard, nous avons appris que:

- suite à notre demande, son mari s'est rendu sur place et a vu la trace qu'il n'avait pas remarqué au préalable (il ne passe que très rarement à cet endroit);

- il a interrogé ses amis chasseurs et propriétaires des parcelles avoisinantes. Il en ressort que l'explication la plus évidente est celle du manège à cheval.

- ce n 'est pas la première fois qu'une telle trace apparaît, des champs voisins ont déjà eu ces traces circulaires;

- cela se produit en général pendant la saison estivale, moment où les propriétaires de chevaux sortent pour entraîner leurs montures;

- leur champ est prédestiné à ce genre d'activités car c'est un endroit plat, non clôturé et à proximité de la route.

Nous n'avons pas eu le nom de la personne qui a entraîné son cheval à cet endroit. D'après le propriétaire il s'agit probablement d'une personne qui a amené son cheval depuis un des 3 ranchs présents au niveau du col.

Au cours de nos investigations nous avons eu de la chance car une autre trace identique à celle de Coursegoules nous a été signalée le 14 septembre sur le plateau voisin, à Caussol.

Nous nous rendons rapidement sur les lieux.

La trace se situe sur la plateau de Caussol, dans un endroit relativement isolé. L'environnement est similaire à celui de Coursegoules: champ plat, non cultivé, à proximité d'une route, de 2 habitations et … d'un enclos à chevaux.

La trace paraît un peu plus ancienne que celle de Coursegoules. Il s'agit là aussi d'un cercle légèrement ovalisé, et un peu plus petit que Coursegoules: de 18,4 mètres et 21 mètres environ. La trace fait 40 centimètres de large, plus profonde que celle de Coursegoules avec de la terre mélangée à de petits débris de végétaux. L'apparence est identique à celle de Coursegoules.

Nous décidons d'aller interroger les personnes de l'habitation la plus proche (environ 200 mètres).

La propriétaire qui nous reçoit nous confirme qu'il s'agit d'un cercle tracé par le passage répété d'un cheval. Nous insistons sur l'origine de cette trace. Elle nous répond qu'elle est formelle puisque il s'agit de son voisin qui a l'habitude d'entraîner son cheval depuis de nombreux étés, toujours au même endroit. Elle ajoute même que le cheval qui tourne ici a tendance à prendre de l'embonpoint s'il ne fait pas cet exercice.

Nous discutons également avec une dame plus âgée qui habite ici depuis très longtemps.

Cette personne nous confirme une fois de plus qu'il s'agit de l'entraînement du cheval de son voisin.

Voici quelques informations sur cet entraînement appelé « manège à chevaux » ou « travail à la longe ». En discutant avec d'autres personnes ou en fouillant sur internet nous avons appris que cet exercice se faisait couramment. Cela permet de faire faire de l'exercice physique au cheval ainsi que lui apprendre à exécuter certains ordres.

Le dresseur se positionne dans un endroit dégagé, attache son cheval avec des longes et le fait tourner, longes tendues. Le dresseur peut éventuellement s'aider d'une chambrière qu'il tient avec l'autre main. Une fois que le cheval a déjà fait une trace au sol, il a tendance à rester dans cette trace et la suivre. Séance après séance, la trace se creuse, le piétinement des sabots mélangeant la terre, les débris d'herbe et les excréments.

Vous pouvez trouver plus de détails sur cette pratique sur internet:

http://amazone2000.free.fr/sentimen/longe.htm

http://attelagepeda.info/changerlr.html

http://www.sportcheval.net/categorie-1090810.html

On apprend par exemple, que le cercle est ce qu'on appelle un « rond de longe ». Le dresseur positionne le cheval dans un cercle existant pour plus de facilité: « Dans un premier temps installé votre cheval dans un rond de longe, car non seulement il sera rassuré parce qu'encadré, mais également cela lui donnera un repère visuel sur lequel s'appuyer » (par Sam publié dans : le travail a la longe) . On comprend mieux pourquoi il y a peu de ces cercles, les dresseurs utilisant en général les mêmes, l'érosion de sol se faisant au fil des séances.

Maintenant revenons sur les arguments rapportés par des enquêteurs un peu trop pressés de faire un scoop. Il y a eu plusieurs alertes médiatiques au sujet du cercle de Coursegoules, parmi celles-ci: le quotidien Nice-Matin du mardi 18 septembre (http://www.cannes.maville.com/Un-cercle-mysterieux-decouvert-par-les-chasseurs-d-ovni-au-col-de-Vence/re/actudet/actu_dep-444235-----_actu.html), le quotiden Var-Matin du jeudi 20 septembre, la radio Europe 1, la radio France Bleu Provence. Nous avons été surpris de toutes ces affirmations alors qu'il n'y avait pas le début d'une enquête sur le sujet. De plus, le fait de s'approprier une découverte alors que d'autres en parlaient depuis quelques temps déjà n'est pas très louable. Bref, le plus important n'est évidemment pas de juger si ces interventions sont bien ou mal, mais de donner au public des informations complètes et justes afin qu'il ne soit pas trompé. Voici quelques arguments avancés que nous allons tacher d'éclaircir de manière rationnelle.

« Nous avons trouvé ce champ qui est … » (Europe1) ou « un cercle mystérieux découvert par les chasseurs d'ovnis au col de Vence » (Nice-Matin)

Rendons à César ce qui est à César. La trace a été découverte par Jean-Marie M. au cours d'une ballade dans les clues de la Cagnes. JMM nous a transmis ce cas le jour même. Depuis, plusieurs personnes sont allées visiter cette trace. Il faut aussi avouer que la première réelle personne à avoir vu cette trace est bien entendu le dresseur du cheval lui-même…

« C'est un cercle parfait… »

De loin on pourrait penser qu'il s'agit d'un cercle parfait mais il s'agit plus d'un ovale (cf les paragraphes précédents, la différence de diamètre peut aller jusqu'à 2 mètres ).

Pourquoi un ovale alors que le cheval tourne autour du dresseur? Le dresseur n'est pas fixe comme un poteau, il a tendance à bouger. Il peut aussi exécuter volontairement des mouvements au centre :  « Le cavalier doit se tenir au centre du rond de longe décrivant un cercle lui-même d'environ 1 mètre de diamètre en se situant derrière l'épaule pour tout ce qui est du mouvement en avant. » ( Sam publié dans : le travail a la longe).

http://attelagepeda.info/changerlr.html

« La largeur de la trace fait 1 mètre de façon parfaite !»

Faux. Nous avons vu que la largeur de la trace est régulière et fait 45 centimètres plus ou moins 5 centimètres (elle ne dépasse jamais 50 centimètres). Trace mesurée bien entendu avec un outil approprié et précis (idem pour le diamètre)

« la trace d'un cercle de 32 mètres de diamètre »

Nous avons mesuré que le cercle est inférieur à 30 mètres (27,50m pour son diamètre le plus petit). Les 32 mètres ont été évalués « à l'oeil », par la personne qui a trouvé le cercle. Dimensions maladroitement colportées aux journalistes sans vérification aucune.

« On ne peut pas dire que c'est quelqu'un qui a tourné»

Si on considère que ce « quelqu'un » est un cheval, alors oui il y a quelqu'un qui a tourné…

« Il n'y pas de traces de sabots »

Les traces s'effacent vite dans cette terre battue, d'autant plus qu'il y a plusieurs personnes qui ont piétiné cette zone. En dehors du cercle, l'herbe est assez haute et il est impossible de voir des traces, sauf peut être au centre où le dresseur aurait pu abîmer l'herbe. On regarde vers le centre du cercle:

La végétation est bien piétinée à cet endroit, on retrouve même des portions où la terre est mise à nue.

Une dernière confirmation vient de nous parvenir juste avant de boucler cet article: 2 personnes se sont rendues sur la trace il y a peu, le 18 septembre exactement. Ils ont pu voir que la terre au niveau du cercle est intégralement recouverte de traces de sabots. Le propriétaire du cheval est donc revenu très récemment pour entraîner son cheval.

« ni de traces d'excréments»

Le crottin se dégrade vite en milieu naturel. Lorsque l'on regarde de plus prés la trace, on s'aperçoit que le crottin est bien présent mais sous forme désagrégée, mélangé à la terre. Les sabots du cheval disséminant le crottin sur la terre battue au fil des passages. Les petites particules d'herbes sèches dans cette trace sont justement ce crottin désagrégé.

Nouvelle confirmation de la présence des excréments. Les 2 personnes qui se sont rendues à la trace le 18 septembre et qui ont vu les traces de sabots, on également vu du crottin à l'intérieur du cercle.

« on sent parfois une présence très forte …  »

Ils ont peut-être senti le crottin de cheval ? Plus sérieusement, nous considérons que le « ressenti » n'est pas un argument valable dans ce genre d'enquête.

« Il y a exactement la même trace qui s'est produite en Angleterre »

Il y a 2 possibilités: soit il y a eu effectivement une trace identique en Angleterre et la solution est donc la même: il s'agit d'un rond de chevaux. Soit, nos ufologues font allusion aux crops circles, mais dans ce cas cela n'a strictement rien à voir puisqu'il n'y pas de plantes couchées faisant divers motifs complexes comme c'est le cas pour les crops circles.

« il n'y a rien de scientifique là-dedans, on ne se prend pas au sérieux »

Le seul point avec lequel nous sommes d'accord !

«C'est vrai qu'il y a beaucoup de fous là-bas, il faut se méfier… »

Un autre point avec lequel nous sommes d'accord. La question est de définir qui sont « ces fous »

Exemple de ce que nous avons entendu au cours de notre enquête: plusieurs personnes aux dons médiumniques se sont intéressées à cette trace. Elles ont toutes affirmé avoir trouvé une solution: 2 ont conclu à une origine extra-terrestre de la trace, une autre a évoqué l'oeuvre de plaisantins. Toutes les 3 ont perdu, dommage.

Rappelons que cet article n'a pas pour but de dénigrer des personnes. Seuls les faits sont importants et cette méprise aurait pu arriver à n'importe qui. Le problème ici venant essentiellement de la divulgation avec insistance de fausses informations. Ce genre de publicité fait du tord au col de Vence. La crédibilité des personnes ayant réellement vécu des phénomènes étranges peut s'en trouver touchée. Imaginez un témoin qui va faire une déposition à la gendarmerie pour une trace réellement insolite. Connaissant cette méprise avec les ronds de chevaux, les gendarmes risquent de pas prendre au sérieux ce témoignage alors qu'il aurait pu être important. Finalement, cette méprise, souhaitons la involontaire, est un bon exemple de ce qui ne faut pas faire en pareille situation: précipitation dans la divulgation, absence de vérification et informations incohérentes. Encore une fois, tout le monde fait des erreurs et sur ce point si des informations dans cet article venaient à manquer ou à être erronées, nous vous invitons à nous le signaler. Nous ferons alors les modifications qui s'imposent à cet article.

Nous n'avons pas cité les noms des personnes dans cette affaire (pilotes d'hélicoptères, employé de mairie, divers propriétaires, etc.) Si vous souhaitez être mis en relation avec ces gens, vos pouvez nous envoyer un email, nous ferons suivre. Merci à tous ceux qui ont participé à cette petite enquête, en particulier notre ami Peter ainsi que l'ensemble des aimables personnes que nous avons interrogées sur ce sujet.

Olivier